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1945 : Le deuxième camp à Aek Pamienke

  • Photo du rédacteur: Rose
    Rose
  • 22 août 2023
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 25 août 2023

Rose : "Après un an et demi environ dans le camp de Brastagi, nous avons tous été mis dans des camions ouverts (appelés "Grobaks") et descendus des montagnes vers une forêt d'hévéas (ce sont les arbres qui produisent le caoutchouc).


Aucune raison officielle n'a été donnée pour ce transfert ; nous étions convaincus que c'était pour mieux dissimuler nos camps sous la canopée et éviter qu'ils ne soient découverts par les alliés. Le feuillage des hévéas était si dense qu'aucun avion n'aurait pu nous repérer.



Aek Pamienke est le nom collectif de trois camps de prisonniers de guerre japonais civils, établis sur une ancienne plantation d'hévéas du même nom, dans la région de Rantau Prabat, le long de la côte nord de Sumatra et à l'est de Medan, la capitale de l'île. Lorsque les camps ont été libérés en août 1945, ils abritaient 4 700 femmes et enfants.
Les trois camps avaient été construits entre avril et juillet 1945 et peuplés de femmes et d'enfants provenant pour la plupart de la région de Medan et des nombreuses plantations d'hévéas environnantes.
Les populations de femmes et d'enfants à la fin de la guerre étaient les suivantes :
- Aek Pamienke I- 1400 (emplacement B sur la carte). - Aek Pamienke II- 2000 (sites A, C sur la carte) - Aek Pamienke III- 1300 (emplacements D sur la carte).

Après le camion, nous avons pris un train qui nous a emmenés jusqu'à Aek Pamienke. De là, nous avons parcouru au moins 30 km à pied sous les hévéas, sans savoir où nous allions exactement.


Je me souviens que nous sommes passés devant plusieurs autres camps sur le chemin. Devant l'un d'entre eux, Nana reconnut l'une de ses amies dans la petite foule derrière les barbelés qui regardait notre procession passer. Elles se sont échangé quelques mots et l'amie lui dit qu'elle avait vu les Japonais ouvrir un nouveau camp un peu plus loin.




Vue à vol d'oiseau créée par Joke Wassink-Broekema à la demande de Rudy Kousbroek (auteur) pour son livre "Back to Negri Pan Erkoms". Nana, Anita, James et moi étions dans le deuxième bâtiment en partant de la droite Cliquer ici pour les références et droit d'utilisation



Une fois installés à Aek Pamienke, la routine du camp a repris.

Dans nos camps, il n’y avait que des ressortissants néerlandais et britanniques. Les Japonais avaient décrété qu’il était interdit de parler l’Anglais, donc tout le monde devait parler le néerlandais ou l’indonésien. Je ne saurais dire pourquoi. Peut-être y avait-il des espions parmi les prisonniers et que c’étaient plus facile de réduire le nombre de langues parlées. Car on savait qu’il y avait parmi nous des espionnes ou du moins, des femmes qui collaboraient avec les Japonais. Nous, les enfants, parlions tous couramment l’indonésien parce qu’avant les camps, on passait toutes nos journées avec le personnel domestique indonésien, soit nos « Babus » (c’était les femmes qui faisaient le ménage et gardaient les enfants), soit nos « Djonos » (les hommes qui servaient à la maison et était toujours habillés en livrée).


Au fil du temps, nos rations alimentaires diminuèrent de manière drastique. Nous ne recevions qu'un minuscule bol de riz par jour, sans viande ni légumes, et il nous fallait donc nous débrouiller.


Heureusement, il y a beaucoup de choses comestibles qui poussent sous les tropiques. Par exemple, lorsqu'elles revenaient des champs, Nana et Anita ramassaient toujours des fougères pour les ajouter au riz. Comme toutes les femmes, elles allaient tous les jours dans les clairières pour cultiver des légumes pour les Japonais. (J'étais encore trop jeune, j'ai donc dû rester dans le camp avec les autres petits enfants). Les Japonais souffraient aussi du manque de nourriture, et je me souviens que certains d'entre eux se plaignaient à nous.


La libération

Dans le Pacifique, la Seconde Guerre mondiale prit fin le 14 août 1945, lorsque les Japonais capitulèrent. Les Australiens, qui avaient débarqué en Indonésie au même moment, survolèrent alors tout Sumatra à la recherche des camps de prisonniers, sans pouvoir trouver celui d'Aek Pamienke. Ils savaient que nous étions là, quelque part, car les habitants leur avaient dit qu'ils avaient vu les Japonais nous sortir de Brastagi et nous conduire quelque part au sud quelques mois plus tôt. Ils ont donc pris des Jeeps à Medan et se sont enfoncés dans la forêt à notre recherche. Comme notre camp était le plus éloigné, nous avons également été les derniers à être "libérés" par les Australiens.


Quant à nos gardes japonais, ils avaient appris la fin de la guerre presque par hasard. Leurs compatriotes avaient déjà quitté le pays sans se soucier d'eux, ils avaient été complètement oubliés. Ils ont alors rapidement plié bagage et sont partis discrètement. Lorsque les femmes du camp les ont vus quitter notre camp avec leurs sacs sur le dos, elles les ont interpellés et leur ont demandé ce qui se passait. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'elles nous ont informés de la situation.


Prisonniers dans un camp à Singapour, vers 1945. Cette photo aurait pu être prise dans notre camp, car nous devions nous aussi nous incliner devant nos geôliers japonais lors de l'appel quotidien. Copyright : Getty


Mais à ce stade de la guerre, nous étions tous bien trop faibles pour fuir le camp, et surtout, nous avions peur. Peur de la population locale hostile, peur des dangers de la forêt.

Anita, James et moi étions à ce moment là dans une situation de grande détresse : pauvre Nana souffrait de terribles blessures aux jambes, causées par les conditions difficiles du camp, et était si malade qu'elle ne pouvait pas se lever. Son état était si grave que plusieurs femmes ont décidé de nous parler, à nous les enfants, pour nous préparer à l'éventualité d'une mort prochaine de notre mère.



Et un beau jour, on vit débarquer dans notre camp une jeep avec un petit drapeau australien flottant fièrement à l'avant, occupée par deux soldats australiens et une troisième personne.


Cette troisième personne était un médecin. Dès son arrivée, il fit le tour de tous les malades du camp. Cela faisait trois ans que nous n'avions pas vu de médecin. En outre, nous nous trouvions dans un état d'hygiène catastrophique, car il n'y avait bien sûr pas de douches dans les camps et nous ne nous lavions à l'air libre que lorsqu'il pleuvait. Par conséquent, nous étions tous infestés de poux et de vermine. Le médecin examina Nana, désinfecta ses plaies et lui fit une injection de pénicilline, un produit miracle qui venait d'être inventé par les Américains. Son état de santé ne tarda pas à s'améliorer au bout de quelques jours.


Entre-temps, les soldats australiens avaient contacté leur base centrale et des renforts sont arrivés peu après. Nous avons été transportés par camion puis par train jusqu'à Medan. Nous avons été logés dans des baraquements où nous avons été lavés avec un savon noir liquide à base de pétrole pour nous débarrasser de toute la crasse accumulée pendant trois ans.

C'est ainsi que commença un nouveau chapitre de notre vie..."




Rose & Babi

©2023 Hind Dahbi-Flohr

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